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sugoroku, St Etienne (F)
de près de loin, description
Le dispositif se présente sous la forme de 19 petites tables de papier blanc déployées en une sorte d’éventail, occupant largement la partie centrale de la pièce.
Elles sont assez rapprochées les unes des autres, dans une combinaison de jonction et d’intervalle. On ne peut circuler qu’autour de l’ensemble.
Sur chacune des tables, est placé un objet différent. Ce sont des objets en trois dimensions. Toutefois leur surface est le plus souvent recouverte d’une texture dessinée.
De part et d’autre, à hauteur du regard, en avant et en arrière, deux écrans plats fixés au mur diffusent un film muet.
Le papier :
Les tables de papier semblent autant être des dessins de table que des objets- tables. L’apparente fragilité du papier plié formant les volumes du plan horizontal et des pieds conserve le reflet ou l’écho de la page dépliée.
L’espace de la page blanche se réserve comme intériorité. L’extériorité des tables de papier en est comme la réverbération.
La forme des tables :
Les plans horizontaux sont de formes trapézoïdales. Le non-parallélisme de deux des côtés accentue une vision géométrique perspective différente pour chaque plan. Le spectateur n’est pas pris pour un point fixe référent pour l’ensemble des tables.
Ici, la perspective est flottante.
Cette géométrie projective –projection horizontale ou anamorphose d’un écran rectangulaire cinématographique, produit un bruissement d’ombres de papier blanc, une surface hypothétique.
L’échelle :
La hauteur des plans est un peu plus basse que la taille habituelle d’une table et leur surface renvoie à une tablette de travail pour une personne. S’asseoir devant une telle table pour une personne de taille moyenne dans une position un peu compacte est possible bien que cela paraisse incongru.
L’échelle permet de proposer un survol. L’ensemble est une vue de haut, une représentation cartographique aérienne.
La disposition des tables :
La disposition en éventail se déployant face à un spectateur placé en son centre renvoie pour une part, au théâtre de Giulio Camillo.
Camillo imagine un spectateur, placé au centre de l’espace scénique d’un amphithéâtre réduit à la taille d’une bibliothèque. Les gradins qui lui font face sont comme des rayonnages avec leurs casiers remplis d’images. L’organisation est issue des arts de la mémoire des grands rhétoriqueurs : la transposition en images de ce qui est de l’ordre des idées et du discours puis la projection intérieure de ces images sur des architectures – par exemple, le parcours d’une maison connue emplie de ces images placées judicieusement permet de dérouler le fil du discours. Camillo ajoute à la mnémotechnique la volonté de disposer d’un système complet de représentation du monde, un théâtre encyclopédique fondé sur l’analogie, une machine de manipulation des connaissances et d’activation de la pensée par les images.
C’est ici une manière de convoquer les travaux existants sur les rapports entre Internet et les théâtres de mémoire.
Ainsi, la disposition des tables est de nature réticulaire, une broderie, une dentelle.
Les motifs formés par l’agencement des tables sont traversés par un réseau suspendu activant d’autres motifs internes constitués à partir des objets.
Les objets et leur disposition :
Les objets sont de nature architecturale. La plupart sont des maquettes renvoyant à des fragments d’objets architecturaux.
La question principale est l’articulation intérieur/extérieur qui est en jeu dans ces propositions.
Il est souvent considéré à la suite des théories classiques que l’architecture est d’abord une structure qui est ensuite recouverte d’une surface.
La théorie posée par G.Semper au milieu du XIXème est inverse. L’ornement textile serait le fondement de l’architecture et la structure solide viendrait ensuite.
Ce sont les textiles qui ont fait les démarcations spatiales -tendre des tissus sur des armatures, tresser des parois, revêtir, masquer le corps. De ce point de vue, on peut dire que ce qui meut l’histoire de l’architecture serait le renforcement croissant de la robe et du tapis. Le principe du changement des matériaux est ce qui impulse les formes architecturales.
Les objets pourraient être appelés objets étymologiques.
Chaque objet est une condensation, une intersection, un nouage matériel et structurel. Chaque objet est une vibration.
Ils sont déposés comme objets de méditation.
Ils tiennent aussi du bibelot pour s’y retirer comme dans une rêverie mallarméenne. Souvent de papier plié et dessiné, ils s’associent à l’illusion d’un objet solide et à l’impalpable du fantôme.
Leur regroupement fait collection dont la disposition est organisée.
Avec l’aide à la création de la DRAC Ile-de-France (2005) et la production du Centre Culturel Saint-Exupéry dans le cadre de la manifestation Chemins Numériques, la nature numérique (2006).
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